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Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada
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PART II

INTRODUCTION*

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NOTRE Commission s'est vue confier, par le Gouvernement, une besogne conçue avec une imagination et une hardiesse de vues qui ont été pour nous une véritable source d'inspiration pendant toute la durée de notre travail. À mesure que nous nous rapprochions du but assigné nous percevions mieux combien notre enquête arrivait à son heure, nous en saisissions mieux le caractère d'urgence. Dès le début, nous étions pénétrés de l'importance de notre tâche; mais notre conviction se fortifia avec chaque perspective nouvelle que nous dévoilait notre approfondissement des problèmes. Cette tâche porte sur rien de moins que les assises spirituelles du Canada. La qualité de nos œuvres en tous domaines dépend de la qualité de notre esprit, et celle-ci dépend à son tour de nos pensées et du niveau intellectuel de nos préoccupations. Elle est influencée par les livres que nous lisons, les tableaux que nous contemplons, les émissions radiophoniques que nous écoutons le plus volontiers. Tous ces éléments de culture (qu'il s'agisse des arts ou des lettres) constituent le terroir où s'enfoncent les racines profondes de notre existence nationale.

2.   Ils sont aussi le fondement de notre unité nationale. Nous avons jugé profondément significatifs l'espoir et la confiance des représentants de nos deux cultures traditionnelles, qui nous ont affirmé à plusieurs reprises que, par la culture en commun de leur jardin spirituel, Canadiens de langue française et Canadiens de langue anglaise parviendront à faire éclore le véritable « canadianisme ». Cet espoir, cette confiance nous permettront de faire fructifier les trésors que nous partageons et de combattre victorieusement les influences qui peuvent menacer et même détruire l'intégrité de la nation. Nos recherches nous ont donc dévoilé ce qui peut servir notre patrie à double titre: en accroissant sa grandeur, en lui assurant l'unité.

3.   Nous nous sommes efforcés, au cours des pages précédentes, de donner une esquisse du paysage de notre vie culturelle. Nous n'avons pas visé à une rigoureuse exactitude. C'est que (même si nous eussions eu plus de temps pour suivre des méthodes très minutieuses) nous n'aurions pu réduire un tel sujet à une précision statistique. Notre tableau relève donc plutôt de la technique des peintres impressionnistes que de la précision détaillée du photocalque. La matière était aussi abondante que variée; nous avons dépouillé avec soin, au cours d'un an et demi, les centaines de mémoires et les volumes nombreux contenant les témoignages


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oraux recueillis au cours de nos audiences, sans oublier les exposés dont nous avions chargé, dans divers domaines, des autorités compétentes. Cette étude s'est étendue sur un champ immense, allant du ballet à la philosophie, du totem aux recherches de la science médicale contemporaine; mais, sous cette variété, court la trame d'une fondamentale unité. Nous avons souvent évoqué une phrase que l'on trouve à l'énoncé de notre mandat et qui sert de leit-motiv [sic] à notre Rapport. Dans cette phrase, on dirigeait notre attention sur « les institutions qui expriment le sentiment de la collectivité, favorisent la bonne entente, apportent de la variété et de l'abondance à la vie canadienne ». Rien ne saurait mieux contribuer à ce noble dessein, que le sujet même sur lequel a porté notre enquête.

4.   Mais les institutions, les organisations et les œuvres que nous avons passées en revue ont, en plus de cet ultime objectif, un autre trait commun: elles s'étiolent faute de nourriture. L'évaluation de notre fonds national, intellectuel et culturel, ne conduit pas à un optimisme de tout repos ni à une satisfaction sans réserve. Si l'on classait les pays contemporains selon l'importance qu'ils accordent aux valeurs faisant l'objet de notre enquête, le Canada se trouverait loin de l'avant-garde, peut-être même près de la fin du cortège. Cela s'explique en partie par les raisons exposées dans un chapitre antérieur: des distances immenses, une population clairsemée, notre jeunesse relative en tant que nation, la tentation de trop se reposer sur un voisin qui est un géant aux mains toujours généreuses. En outre, alors que nous étions toujours aux prises avec ces problèmes, d'autres problèmes communs à toutes les nations du 20e siècle se posèrent à nous. Comme le dit l'auteur de l'une de nos études spéciales:

« Au moment où notre monde occidental s'éveille à la nécessité de protéger ses traditions spirituelles et qu'il s'apprête à détourner, à cette fin, quelques-unes des énergies appliquées à la seule technologie, à ce moment même, nous devons relever le gant que nous jette en défi un empire barbare où la machine est dieu. La tentation est grande d'oublier à nouveau nos besoins spirituels en présence du danger plus immédiat »(1).

La vague de fond de la technologie peut engouffrer le Canada plus facilement que d'autres nations, dont les traditions culturelles mieux assises forment une digue solide contre les périls contemporains.

5.   Il nous semble que deux conditions s'imposent à notre pays si l'on veut rétablir l'équilibre entre l'importance que nous attachons aux réalisations matérielles et l'attention que nous portons à des valeurs de notre civilisation, moins tangibles sans doute mais plus durables. La première de ces conditions doit être, il va sans dire, d'enrichir et de stimuler notre vie culturelle et intellectuelle; notre enquête a su prouver que ce désir est sincère autant que général. La seconde condition est l'argent. Si nous voulons une nourriture culturelle plus abondante et de meilleure qualité, nous devons en payer le prix. La bonne volonté seule ne peut ressusciter

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une plante qui se meurt; si la fleur de la culture semble s'étioler, il faut la nourrir à prix d'argent. Les gouvernements fédéraux, provinciaux et municipaux doivent joindre leurs efforts dans ce devoir commun. Nous n’avons cependant à nous occuper que du domaine fédéral et, dans la deuxième partie de cet ouvrage, nous ferons connaître nos vues sur les meilleurs moyens qu'aurait le gouvernement national d'intensifier notre vie culturelle.

6.   Si le gouvernement canadien consentait à se charger de plus grandes responsabilités dans cet ordre de choses, nous serions alors sur le même plan que la plupart des pays contemporains. Le soutien de l'État aux arts et aux lettres est connu de longue date dans la plupart des nations. Même en Grande-Bretagne (berceau de l'initiative privée, où la vie culturelle dépendit, pendant des siècles, de la générosité des mécènes), l'État s'est progressivement chargé d'un fardeau que les protecteurs traditionnels des arts devenaient incapables de porter à eux seuls. Mais cette intervention étatiste n'a pas attenté à la liberté de l'artiste et de l'écrivain. Les gouvernements britanniques qui se sont succédés n'ont eu garde en effet d'oublier l'avertissement de lord Melbourne: « Que Dieu protège le ministre qui se mêlerait des arts! »

7.   Les États-Unis restent la seule exception notable à la règle qui transforme peu à peu les gouvernements contemporains en protecteurs attitrés des arts. La raison en est évidente. C'est le seul pays du monde où l'on trouve encore ces immenses fortunes privées, sources vivifiantes où peuvent s'abreuver la culture et la vie intellectuelle. Les dotations et les caisses fiduciaires spécialement créées à cette fin disposent de sommes considérables en capital et en fonds pour les dépenses annuelles(2). Voilà pourquoi les pouvoirs officiels aux États-Unis peuvent encore leur laisser une bonne partie de cette responsabilité. Les autres nations ne peuvent se permettre de suivre cet exemple.

8.   Notre tâche ne se bornait pas à analyser la situation des arts, des lettres et des sciences au Canada; nous devions encore faire connaître notre point de vue sur les modalités de l'aide que le gouvernement fédéral pourrait leur accorder. Dans un grand nombre de pays, diverses conditions géographiques ont pu susciter des désavantages qui requéraient le correctif de l'aide de l'État aussi bien dans les domaines économiques que dans ceux de la culture. Au Canada nous avons eu à faire face à une situation de ce genre; l'État a dû apporter son appui dans bien des domaines et c'était là une initiative d'une importance particulière. On a pris un grand nombre de mesures chez nous (et on continue à en réclamer encore plus) pour remédier aux charges que les distances énormes font retomber sur les expéditeurs et les consommateurs de certaines denrées. Il nous semble que la logique et la justice qui ont inspiré ces mesures, dont la nécessité est reconnue de tous, exigent un traitement identique en faveur des tournées

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de nos compagnies de théâtre, de nos orchestres et de nos artistes de concert dans tout le pays. La venue régulière et fréquente, dans nos grandes villes et dans nos centres moins populeux, de ces missionnaires de la culture est, en effet, d'importance essentielle à notre existence normale en tant que nation civilisée.

9.   On trouvera dans les pages qui vont suivre une série de recommandations proposant au gouvernement fédéral d'agir dans certains domaines que nous avons examinés. Si on les accepte, elles nécessiteront des mesures législatives ou administratives, ainsi que l'usage de fonds publics sous forme d'immobilisations et de frais annuels. Si l'on donnait suite à tous nos vœux, le chiffre des dépenses qui en résulteraient paraîtrait peut-être considérable, vu isolément; mais il suffira de le comparer aux frais d'autres formes de l'activité gouvernementale pour qu'il se réduise à des proportions modestes, pour ne pas dire insignifiantes. Les postes les plus considérables qui se retrouvent dans tous les budgets modernes sont ceux qui se rapportent à la défense. C'est un problème qui est, à juste titre, au premier rang des préoccupations de tous les hommes d'État. Alors que nous sommes prêts à mettre le point final à notre tâche et à envoyer notre Rapport à l'imprimerie, nous voyons les nuages s'amonceler à l'horizon international. Certains penseront peut-être qu'à un tel moment nos recommandations peuvent paraître bien futiles. Les chars de combat ne nous sont-ils pas plus nécessaires que les tableaux du Titien? Les bombes, plus nécessaires que Bach ou la musique des tragédies de Racine? On nous a dit à maintes reprises que, pour importants que soient nos avis, il leur faudrait attendre, pour être mis en pratique, que le ciel s'éclaircisse. Nous répondrons par une autre question. Si nous nous inquiétons de notre défense, qu'est-ce donc que nous voulons défendre? Nous voulons défendre la civilisation, la part qui nous en revient;  l'apport que nous avons pu lui faire. Or notre enquête porte justement sur tout ce qui donne à cette civilisation son caractère et sa valeur. Ce serait un paradoxe que de nous apprêter à défendre une richesse que nous ne voudrions ni accroître ni faire fructifier, et que nous laisserions, au contraire, se désintégrer.

10.   C'est au plus fort de la dernière guerre que des voix s'élevèrent de toutes parts, en Angleterre, demandant une nourriture spirituelle dont la faim ne put être apaisée que par des créations d'urgence, que l'on confirma plus tard à titre permanent. Le Conseil pour l'encouragement de la musique et des arts fut fondé en même temps que la Garde territoriale. Le C.E.M.A. — comme on le désignait — fut créé et maintenu pour stimuler et satisfaire l'intérêt du public dans le domaine de la musique, du théâtre et de la peinture. Il ne s'agissait pas là de choses uniquement recherchées pour elles-mêmes. Elles devenaient aussi les armes spirituelles dont l'Angleterre militante avait besoin. En ce temps de crise, le moral d'un pays est un facteur d'importance suprême; il peut être soutenu, bien entendu,

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par une propagande de portée immédiate, mais la force spirituelle ne peut s'édifier que sur des fondements posés en temps de paix. Pour cette raison encore, nous devons consolider les éléments durables qui stimulent le sentiment national et rendent les gens conscients des aspects les plus nobles de la vie de la nation. Les discours qui « donnent du cœur au ventre », et les affiches flamboyantes n'y sauraient suffire.

11.   La conjoncture actuelle souligne l'importance et l'urgence de nos recommandations. Nous n'avons pas perdu de vue, un seul instant, les problèmes essentiels de l'heure, et ils ont sans cesse été présents à nos esprits au cours de la rédaction de ce Rapport. Nous avons réduit nos recommandations au minimum. Quand une initiative ou une fonction nouvelles nous paraissaient nécessaires, nous n'avons pas conseillé la création d'un organisme s'il en existait déjà un qui pût s'en acquitter. Dans tous les cas où d'anciens locaux pourraient abriter des services plus étendus, nous n'avons pas demandé la construction de nouveaux édifices. Par conséquent, nous ne préconisons de dépenses que lorsqu'il serait autrement impossible d'atteindre les buts mêmes qui ont motivé la création de notre Commission par le Gouvernement. Nous aurions très bien pu pousser nos recommandations plus loin. Mais, vu la situation internationale, nous avons proposé les méthodes les plus simples et les moins coûteuses de réaliser les mesures nécessaires, tout en songeant sans cesse à la nécessité impérieuse de consolider les institutions qui sont les assises de notre structure morale et de notre intégrité nationale.

12.   Nous devons, bien entendu, renforcer nos défenses militaires; mais nos défenses culturelles requièrent également l'attention de la nation: on ne saurait dissocier les unes des autres. Nos recommandations ne représentent que le minimum que notre devoir nous commande de proposer; mais on pourrait accomplir bien davantage. Nous passons maintenant à l'exposé de ces recommandations.

[page 322 blanche]

*Extrait de : Canada. Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport. Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil privé.

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